Proposer ici le terme d'éco-féminités pour ouvrir les débats des écoféminismes aux êtres vivants y compris masculins, invite à penser les articulations des mondes avec les femmes, les minorisé·e·s, les LGBTQI+, les sans papiers, les migrant·e·s, les animaux, les pierres, les végétaux, l'eau…dans leurs matières en tant que process et mouvement continuum.
“L’écoféminisme est un mouvement hétérogène qui établit une corrélation entre la destruction des écosystèmes par le capitalisme et les oppressions de genre exercées par le patriarcat. Ses courants sont nombreux, mais tous encouragent la construction de mondes qui ne détruiraient ni les humain·e·s, ni les natures au sein desquelles ils.elles vivent. Pour cela, sortons de cette opposition entre nature et culture qui relègue les femmes, les racisé·e·s, les esclavagisé·e·s, les queers, les handicapé·e·s et bien d’autres du côté de la « nature » – justifiant leur exploitation de la même façon que les sols, les plantes ou les océans” (cf tribune ci-dessous de mai 2020 : AVEC LES ÉCOFÉMINISMES, SE PROJETER AUTREMENT DANS L’APRÈS-COVID19).
Tribune écrite le 5 mai 2020.
La crise sanitaire actuelle nous montre les limites du système capitaliste, productiviste et individualiste basé sur l’exploitation infinie des ressources. Elle exacerbe également les violences du système patriarcal: exploitation du travail invisible des femmes, exclusion des minorisé.es de genre, marginalisation des précaires. Dans le même temps,la majorité des emplois subalternes sont occupés par des personnes racisées qui se lèvent chaque jour pour maintenir le confort du plus grand nombre. C’est pourquoi nous trouvons urgent de construire un après-Covid19 nourries des pensées et actions écoféministes.
Nous vivons une crise écologique majeure: l’articulation entre la propagation du virus, la mondialisation et la destruction de nos écosystèmes ont été maintes fois mises en exergue. Le nombre de réfugié.es climatiques est sans cesse en augmentation, les pauvres s’appauvrissent, les femmes sont mutilées et assassinées, les communautés minoritaires prises pour cible. Nous vivons dans un confort prenant sa source dans un néocolonialisme à peine caché.
Si les dénonciations sont nombreuses depuis le début de la crise, aucune ne montre un « après-Covid19 » écoféministe. Pourtant, depuis les années 70, les écoféminismes sont à la convergence de l’action écologique et des luttes féministes, ils montrent qu’une critique décoloniale est indispensable dans la construction d’une société nouvelle: en Amérique Latine, en Afrique ou en Inde, des mouvements lient défense des terres et des minorités de genre, de classe ou de race depuis longtemps.Ils sontune source d’inspiration propice à la reconstruction de nouveaux modèles sociétaux et de nouveaux imaginaires.Préparer l’après-Covid ne peut se faire sans une vraie réflexion par et pour les minorités de genre, de race et de classe.
Face au virus,ce sont majoritairement les femmes qui sont exposées: aides-soignantes, infirmières, caissières, femmes de ménage, auxiliaires de vie. La crise remet au centre la question du care, désignant l’ensemble des activités de soin de l’autre, vitales et pourtant continuellement dévalorisées, invisibles, faiblement rémunérées, assignées à des femmes bien souvent racisées. Comme l’explique Christiane Taubira, “ce qui fait tenir la société, c’est d’abord une bande de femmes”, tandis que des hommes en télétravail prennent les décisions pour retrouver le chemin du capitalisme. Les libertés individuelles sont actuellement menacées sur l’autel de la sécurité, les violences policières se multiplient dans les quartiers et l’avènement d’un État de contrôle est à son apogée. Alors ce fameux « monde d’après », qui galvanise tant d’imaginaires, se dessinera-t-il avec les femmes, les minorisé·e·s, les LGBTQI+, les sans papiers, les migrant·e·s? Avec les animaux?
L’écoféminisme est un mouvement hétérogène qui établit une corrélation entre la destruction des écosystèmes par le capitalisme et les oppressions de genre exercées par le patriarcat. Ses courants sont nombreux, mais tous encouragent la construction de mondes qui ne détruiraient ni les humain·e·s, ni les natures au sein desquelles ils.elles vivent. Pour cela, sortons de cette opposition entre nature et culture qui relègue les femmes, les racisé·e·s, les esclavagisé·e·s, les queers, les handicapé·e·s et bien d’autres du côté de la « nature » – justifiant leur exploitation de la même façon que les sols, les plantes ou les océans.
Les écoféminismes nous invitent à croiser les luttes, à intégrer nos émotions face aux catastrophes qui ne vont cesser de croître: la rage d’une mère qui voit ses enfants avaler des pesticides à la cantine, l’impuissance des paysan.nes qui assistent à la construction d’un projet d’enfouissement nucléaire à côté de chez elles.eux, le désespoir d’une femme trans privée d’un emploi dans la fonction publique à cause de son genre.Les écoféminismes sont présents là où des minorités entrent en lutte contre une logique patriarcale, guerrière, qui exploite le vivant: des mouvements de femmes en lutte contre l’implantation de Monsanto en Argentine, contre la déforestation en Inde, contre l’extraction du charbon en Afrique du Sud, contre le nucléaire comme à Bure en France. Les écoféminismes appellent à prendre en compte les corps qui ne correspondent pas à la conception validiste, productiviste et blanche du télétravail: quid des neuroatypiques, des femmes handicapées qui subissent plus de violences que les autres, même en temps «normal»? Nous devons repenser entièrement la division sexuée mais aussi racialisée du travail.
Pour cela, des projets de terres écoféministes, des chantiers en mixité choisie, des communautés, des cercles de paroles, des conférences, des week-ends se mettent en place depuis longtemps partout dans le monde et depuis peu en France. Nous demandons des fonds pour la recherche écoféministe et la construction de projets écoféministes dans les quartiers. Nous voulons décloisonner un écoféminisme blanc et bourgeois qui prônerait simplement le tri sélectif,le DIY et les repas végétariens. Nous pensons que l’écoféminisme va plus loin et critique radicalement la structure oppressive de la société dans le but de nous libérer toustes, en premier celleux que le patriarcat capitaliste exploite le plus.
Les mouvements écoféministes se nourrissent de la création artistique, de la désobéissance civile, des traditions anarchistes, des mouvements de gouvernance partagée où l’on s’extrait de la hiérarchie : ils inventent une nouvelle façon de faire de la politique ensemble. Nous sommes convaincu·e·s que c’est précisément ce dont nous avons besoin aujourd’hui.
Selma Muzet et Marie Bécue.
Avec l’aide précieuse de Myriam Bahaffou et les conseils de Catherine Larrère, Mathilde Julié Viot et Hélène Guétat-Bernard.
Signataires :
Catherine Larrère, Philosophe, spécialiste en philosophie de l'environnement
Marie Toussaint, Eurodéputée écologiste, co-fondatrice de Notre Affaire à Tous
Clotilde Bato, Présidente de Notre Affaire à Tous
Jules Falquet, Sociologue et féministe
Lamya Essemlali, Présidente France de Sea Shepherd
Pascale d'Erm, Auteure de Sœur en écologie et de Natura
Valérie Cabanes, Juriste internationaliste, auteure de Homo Natura, en harmonie avec le vivant
Jeanne Burgart Goutal, Philosophe, enseignante et autrice d'Être écoféministe
Myriam Bahaffou, Chercheuse en philosophie et études de genre et militante écoféministe
Pablo Servigne, Auteur
Charlotte Marchandise, Femme politique, adjointe à la maire de Rennes, autrice
Gauthier Chapelle, Ingénieur agronome et docteur en biologie, auteur
Geneviève Azam, Économiste et essayiste
Élodie Nace, Militante climat
Agnès Sinaï, Journaliste, fondatrice de l’Institut Momentum, enseignante à Sciences Po
Lisa Azuelos, Réalisatrice
Flora Magnan, Co-fondatrice de RiseFor
Annie Lahmer, Conseillère Régionale EELV
Solène Ducretot, Co-fondatrice du collectif Les Engraineuses
Arthur Keller, Expert des risques systémiques et des stratégies de résilience
Mathilde Julié Viot, Militante féministe cofondatrice de Chair Collaboratrice
Elise Thiébaut, Féministe, auteure et journaliste
Voix Déterres, Écoféminismes en germes, collectif écoféministe intersectionnel pour la justice environnementale
Grégory Poinsenet, Co-fondateur de Sorry Children
Laurie Debove, Rédatrice en chef de La Relève et la Peste
Charlotte Soulary, Membre de la Coordination des Verts mondiaux
Fatima-Ezzahra Ben-Omar, Militante féministe
Des Bombes Atomiques, Collectif féministe et antinucléaire
Gwennyn Tanguy, Conférencière gesticulante écologiste et féministe
Elena Souvannavong, Militante écoféministe, co-fondatrice du collectif La Vulva
Magali Payen, Fondatrice de « On Est Prêt »
Emmanuel Cappelin, Réalisateur et producteur
Nathalie Blanc, Directrice de recherche au CNRS, directrice du Centre des Politiques de la Terre
Héloïse Prévost, Sociologue chercheuse, co-réalisatrice du film « Femmes rurales en mouvement »
Hélène Guétat-Bernard, Professeure de sociologie de l'enseignement supérieur agricole, Membre du réseau Arpège
Genevieve Pruvost, Sociologue en études de genre et du mode de vie écologique
Magali C. Calise, Chercheuse en philosophie
Caroline Michon, Anthropologue spécialiste des questions de genre en Inde et militante Alternatiba
Caroline Goldblum, Autrice de Françoise d'Eaubonne et l'écoféminisme
Adrien Moisson, Fondateur de Wild Immersion
Camille Etienne, Fondatrice de « Graine De possible »
Julien Didier, Militant queer et écologiste
Association Qwinz, Agir contre les violences faites aux femmes
Afro-Fem, Association afroféministe
Bénédicte Allaert, Membre de Mycelium
Vincent Wattelet, Écopsychologue connecté à l’écosystème Mycelium et actifs dans divers mouvements associatifs belges
Pascale Barret, Artiste queer, activiste écoféministe, membre du parlement interne chez Ecolo Belgique
Nathalie Grandjean, Philosophe féministe, Université de Namur, Belgique Association Sophia, Réseau belge d’études de genre
Nathalie Grandjean, Docteure en philosophie, chercheuse senior en Science & Technology Studies, administratrice de Sophia, le réseau belge des études de genre
Marine Allard, Réalisatrice de « Ni les Femmes Ni la Terre ! »
Lucie Assemat, Réalisatrice de « Ni les Femmes Ni la Terre ! »
Coline Dhaussy, Réalisatrice de « Ni les Femmes Ni la Terre ! »
Joanne Clavel, Chargée de recherche au CNRS, LADYSS, humanités environnementales
Gabriel Sampaio, Responsable du groupe EELV de Vincennes-Saint-Mandé
Tatiana Halley, Chargée de développement local, Membre de « Nous Toutes »
Amandine Hancewicz, Présidente de l’association Parents & Féministes
Carine Rolland, Médecin, membre du Conseil d'Administration de Médecins du Monde
Cécile Entremont, Écopsychologue, féministe et auteure de S'engager et méditer en temps de crise
Céline Astrié, Autrice et metteuse en scène, Festival Sauvageonnes! Fabrique des imaginaires et agirs écoféministes
Samantha Brangeon
Virginie Hallot, Comédienne, Metteure en scène, scénariste
Natalia Kovachevski, Photographe et militante LGBTQI
Paloma Moritz, Journaliste indépendante et engagée
Mounia El Kotni, Docteure en anthropologie médicale et culturelle de l’Université de l’Etat de New York à Albany, postdoctorante au Cems-EHESS Paris
Johnny Delort-Dedieu, Enseignant formateur égalité filles-garçons et école inclusive
Valentine Rinner, Co-fondatrice du collectif Oh My Goddess !
Caroline Delboy, Co-fondatrice de Disco Soupe
Fanny Hugues, Doctorante en sociologie (EHESS) et militante écoféministe
Inès Roulet, Co-fondatrice de l'association Écoute Mieux
Isis Plateau De Croÿ, Designeuse, co-fondatrice de l'association Écoute Mieux
Anne-Laure Bonvalot, Maîtresse de Conférences en Littératures hispaniques et autrice de Zèbres
Martin Kern, Militant écologiste, expert évaluation des programmes humanitaires d'urgence
Marie Renault, Militante et conférencière
Margot Lauwers, Chercheuse écologie et féminismes
Athane Adrahane, Philosophe et artiste
Claire Poinsignon, Militante écoféministe et facilitatrice de cercles de femmes
Arnaud Blondel, Artiste chorégraphique et chercheur en danse
Emmeline Werner, Membre du groupe écoféministe ØkoKøn à NOAH, Friends of the Earth Denmark
Boris Libois, Membre d'Extinction Rebellion Belgium
Pauline Fousse, Éditions le passager clandestin
Josépha Mariotti, Éditions le passager clandestin
Julie Gorecki, Universitaire et activiste féministe pour la justice climatique, UC Berkeley
Véronique Servais, Chercheure en anthropologie des relations humains-non humains, Université de Liège
Violeta Salvatierra, Chercheuse en danse et praticienne somatique (Rolfing)
Marine Legrand, Chercheure, écrivaine
Marina Pirot, Artiste somatique
Claire Carré, Fondatrice de Roseaux Dansants, association d'Ecologie profonde
Bénédicte Meillon, Enseignante-chercheuse spécialiste d'écopoétique
Julie Perrin, Maîtresse de conférences en danse, IUF, Université Paris 8
Caroline Touchette, Militante écoféministe
Oleñka Carrasco, Écrivaine et photographe
Béatrice Michel, Journaliste
Astrid Modera, Doctorante en philosophie
Delphine Masset, Etopia, Conseillère à la prospective Catherine Geeroms, UCLouvain
Claire Gavray, Sociologue et enseignante en études de genre, Université de Liège
Marie-Astrid Lissoir, Altermondialiste féministe, CollectiVe femmeS
Nina Lombardo, Militante, comédienne et photographe
Aurore Morillon, Artiste et membre du PornProcess, militante pour Holobionte
Louise Buneafuente, Comédienne
Nathalie Rjewsky, Comédienne
Olivia Szwarcburt, Coordinatrice de Rencontre des Continents, Mères au Front
Ilios Kotsou, Auteur, docteur en psychologie
Caroline Lesire, Coordinatrice d'Emergences, co-initiatrice des Mères au Front
Isabelle Godesiabois, 108 Empreintes - Rebelle XR, Extinction Rebellion Charleroi Grégory Wispelaere, 108 Empreintes - Rebelle XR, Extinction Rebellion Charleroi
Caroline Bonfond, Réalisatrice et écoféministe
Marion Lambert, Comédienne
Corinne Mommen, Jardinière et facilitatrice de Travail qui relie
Emeline Seyler, Militante écoféministe
Marie-Claude Roncoroni, Assistante sociale, thérapeute et facilitatrice en écopsychologie
Alice Cohen, Psychologue
Claire Revol, Docteure en philosophie, Maîtresse de conférences à l’Université de Grenoble Alpes
Laëtitia Toulout, Communicante, militante écoféministe
Eléonore Colpin-Lafuma, Étudiante en art
Marjolein Moreaux, Activiste chez Extinction Rebellion
Laura Silva-Castañeda, Chercheuse indépendante en sociologie de l'environnement
Carine Decuypere, Sorcière, écopsychologue et Rebelle (XR Belgium)
Kelly Odette Dochy, Militante écoféministe
Aurore Guieu, Spécialiste des questions de genre et inégalités
Léa Guichard, Militante écoféministe
Typhaine Domercq, Artisane engagée dans l'écologie
Aurélie Ceinos, Spécialiste Résilience Climatique
Garance Scharf, Documentariste
Fleur Lequatre, Militante écologiste et féministe
Sylvain Naudin, Artisan de la culture libre
Rhéa d'Almeida, Eco-infirmière, directrice d'une micro-éco-crèche
Philippe Ricordeau, Médecin, militant écologiste
Estelle Brochard, Artiste et militante écoféministe
Béatrice Rabot, Docteur en biologie et militante pour une agriculture paysanne
Anne Duchêne, Ecologiste Féministe
Constance Rimlinger, Doctorante en sociologie à l'EHESS
Sonia Glasberg, Architecte et scénographe
Sandrine Piazza, Artiste et jardinière
Publication dans Médiapart, le 19 mai 2020.